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Pourquoi personne ne parle des clients qu’on ne veut plus ?

« Le client est roi. » « La satisfaction client avant tout. » « Fidélisez chaque client, c’est moins coûteux que d’en acquérir de nouveaux. »

Ces mantras constituent la colonne vertébrale de tout discours marketing et commercial moderne. Des départements entiers sont dédiés à la conquête et à la rétention clients. Des budgets considérables sont alloués pour améliorer l’expérience client. Des KPIs sophistiqués mesurent notre capacité à satisfaire et fidéliser chaque personne qui franchit notre porte, physique ou virtuelle.

Mais au milieu de cette quête quasi religieuse du client idéalement fidélisé à vie, un angle mort subsiste, un sujet tabou que peu d’entreprises osent aborder frontalement.

La vérité inconfortable

Tous les clients ne sont pas égaux. Tous ne méritent pas les mêmes efforts de fidélisation. Et – osons le dire – certains clients représentent en réalité une valeur négative pour votre entreprise.

Pourtant, combien de stratégies commerciales intègrent explicitement la possibilité, voire la nécessité, de se séparer délibérément de certains clients ? Combien d’entreprises formalisent une politique de « dé-acquisition » aussi réfléchie que leurs stratégies d’acquisition ?

La réalité est que nous restons collectivement prisonniers d’un dogme : plus de clients = meilleure santé de l’entreprise. Ce postulat rarement remis en question nous empêche d’aborder une conversation essentielle.

La question que personne ne pose

La vraie question n’est pas « Comment garder tous nos clients ? » mais plutôt « Quels sont les clients que nous ne voulons plus servir, et comment nous en séparer avec élégance ?« 

Cette question dérangeante est pourtant fondamentale. Car en matière de clientèle comme ailleurs, la qualité prime souvent sur la quantité. Un portefeuille client mal aligné avec votre stratégie peut freiner votre croissance, épuiser vos équipes et diluer votre proposition de valeur bien plus qu’un portefeuille plus restreint mais cohérent.

Les implications concrètes

Adopter cette approche plus sélective implique plusieurs changements profonds dans votre stratégie :

  1. Cartographier la valeur réelle de chaque segment client Au-delà du simple chiffre d’affaires, évaluez la rentabilité complète de chaque client ou segment en intégrant tous les coûts cachés : temps de service, complexité opérationnelle, impact sur la motivation des équipes, alignement avec votre positionnement futur. Certains de vos « meilleurs » clients selon les critères traditionnels pourraient s’avérer toxiques sous cet éclairage plus complet.
  2. Définir une politique de transition Pour les clients identifiés comme non stratégiques, développez une approche graduée : augmentation des tarifs, réduction du niveau de service, réorientation vers des offres standardisées ou, en dernier recours, recommandation vers un concurrent mieux adapté à leurs besoins. L’objectif n’est pas d’abandonner ces clients, mais de transformer la relation vers quelque chose de mutuellement bénéfique.
  3. Communiquer avec transparence La manière dont vous vous séparez d’un client en dit plus sur votre marque que la façon dont vous en attirez de nouveaux. Privilégiez l’honnêteté, donnez un préavis suffisant, et proposez toujours une solution alternative. Un client « transitionné » avec respect peut rester un ambassadeur de votre marque.
  4. Créer des indicateurs de « qualité du portefeuille client » Au-delà des métriques classiques d’acquisition et de rétention, développez des KPIs qui mesurent l’adéquation de votre base clients avec votre stratégie : part des clients stratégiques, homogénéité des besoins servis, cohérence avec votre positionnement cible.
  5. Former vos équipes à l’art du « non » Dire non à un prospect ou à un client existant est une compétence qui s’apprend. Vos équipes commerciales ont besoin d’être formées et soutenues pour pouvoir refuser ou réorienter certaines demandes sans culpabilité ni maladresse.

Une stratégie de courage

Cette approche plus sélective ne relève pas du cynisme mais au contraire d’une forme d’authenticité commerciale. Elle reconnaît une vérité fondamentale : vous ne pouvez pas être tout pour tout le monde, et prétendre le contraire ne sert ni vos clients ni votre entreprise.

Les entreprises les plus admirées ont souvent en commun cette clarté sur qui elles servent et, implicitement, qui elles ne cherchent pas à servir. Apple ne court pas après les clients sensibles aux prix. Rolex ne s’inquiète pas de ceux qui préfèrent les montres intelligentes. Netflix a délibérément abandonné ses premiers clients amateurs de DVD.

Alors, permettez-moi de vous poser ces questions inconfortables : Avez-vous le courage d’identifier les clients dont vous devriez vous séparer ? Votre stratégie de croissance distingue-t-elle entre plus de clients et de meilleurs clients ? Êtes-vous prêt à sacrifier une partie de votre chiffre d’affaires actuel pour consolider votre positionnement futur ?

Car parfois, le chemin vers une croissance durable passe par l’audace de faire le tri dans son portefeuille client.

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